Reproduction

Améliorer nos connaissances pour savoir comment, quand et pourquoi les poissons se reproduisent afin de réduire les incertitudes dans les modèles d’évaluation des stocks

 

Les évaluations des stocks sont essentielles afin de fournir aux gestionnaires des pêches les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions. Elles leur permettent d’obtenir des évaluations concernant la taille des stocks, leur tendance à la hausse ou à la baisse, et la façon dont ils peuvent réagir à l’effort de pêche à venir. Ces évaluations sont réalisées à partir d’un ensemble de données et les estimations du potentiel de reproduction du stock y contribuent de façon non négligeable. Pour faire simple, lorsque des poissons meurent – de vieillesse ou parce qu’ils ont été pêchés ou chassés par d’autres prédateurs – de nouveaux poissons naissent pour reconstituer le stock ; nous estimons ainsi le nombre de nouveaux poissons susceptibles d’être nés à un moment donné. Il va de soi que le monde réel est bien plus complexe, mais nous tentons de modéliser la façon dont la population change (dynamique démographique) afin d’estimer la taille de la population à l’heure actuelle et à l’avenir.

Pour décrire la dynamique démographique d’une espèce, nous avons besoin d’estimations des paramètres de la reproduction, par exemple l’âge et la taille de maturité sexuelle, le ratio mâles/femelles, la fréquence des pontes, le nombre d’œufs pondus par femelle par acte de ponte (fécondité par lot). Pour les thons et les poissons à rostre du Pacifique occidental et central, certains de ces paramètres sont bien estimés, alors que d’autres restent incertains, ce qui s’explique en partie par des données biologiques limitées, mais également par les dynamiques de reproduction souvent complexes de ces espèces. Par exemple, on sait que le sex-ratio du thon jaune (Thunnus albacares), du thon obèse (T. obesus) et du germon (T. alalunga) est variable en fonction de la taille et éventuellement de la zone géographique, alors que la maturation est influencée aussi bien par l’âge que par la taille des individus. En outre, certains individus qui grandissent plus vite commencent à se reproduire plus tôt que les individus à croissance plus lente, et la production d’œufs peut s’accroître plus rapidement lorsque la longueur des poissons augmente.

Pour saisir cette complexité, les scientifiques chargés d’évaluer les stocks calculent le « potentiel de reproduction », une mesure qui tient compte de l’âge, du sexe et des effets des paramètres spatiaux sur l’efficacité de la reproduction. Le potentiel de reproduction constitue un élément essentiel des évaluations dans le Pacifique occidental et central, permettant de convertir la biomasse totale de la population estimée par modélisation en quantités exploitables aux fins de gestion. On a ainsi besoin de connaître le poids total de tous les poissons ayant atteint leur maturité reproductive, c’est-à-dire la biomasse féconde. L’ogive de maturité est un élément clé permettant de calculer le potentiel de reproduction. En substance, elle indique la proportion de poissons atteignant leur maturité à une longueur ou un âge donnés pour une espèce en particulier. Le potentiel de reproduction peut également être défini comme le produit de trois processus fondés sur la longueur : la proportion de femelles par rapport à la longueur (sex-ratio), la proportion de femelles à maturité par rapport à la longueur et la fécondité par rapport à la longueur des femelles à maturité. Cette définition plus naturelle du potentiel de reproduction élimine certaines des incertitudes qui nuisaient aux définitions précédentes et simplifie les étapes de modélisation.

Une des priorités actuelles dans nos travaux sur la biologie reproductive consiste à combler les lacunes existantes au niveau des connaissances concernant ces processus fondés sur la longueur pour l’ensemble des thons et des poissons à rostre du Pacifique occidental et central. Pour y parvenir, les activités de collecte et d’analyse d’échantillons de gonades menées par les observateurs des pêches et les agents d’échantillonnage au port dans toute la région sont incontournables. En outre, les analyses d’échantillons déjà conservés dans la Banque d’échantillons marins du Pacifique se poursuivent dans le but d’améliorer la confiance dans les principales hypothèses biologiques relatives à la reproduction et au sex-ratio concernant les espèces ciblées. Une autre piste de recherche prometteuse concerne la quête d’un « marqueur biologique » de la reproduction dans les otolithes des poissons. À l’aide des échantillons de gonades et d’otolithes prélevés sur des thons jaunes et des germons, la Division FAME explore, en collaboration avec ses partenaires de recherche en Australie et en Nouvelle-Calédonie, des moyens de reconstituer la chronologie de la maturation et de la reproduction de ces thons sur l’ensemble de leur vie. Si ces travaux aboutissent, cela ouvrira de nouvelles perspectives pour savoir comment, quand et pourquoi les thons se reproduisent, ce qui est une information essentielle pour la gestion et la durabilité future de cette espèce.